lundi 7 février 2022

Le conditionnement spirituel




 Avant de commencer sur ce sujet délicat, je voudrais rendre hommage à tous ceux qui témoignent en toute simplicité de leur vécu de la conscience pure. Certaines approches, dites directes, sont particulièrement chères à mon cœur comme la vision sans tête de Douglas Harding et le questionnement « qui suis-je ? »recommandé dans l’advaita. Alors je rends grâce aux personnes qui transmettent ces enseignements après les avoir réalisés, en les gardant ainsi vivants et accessibles à tous.


J’écris ce post sur ce sujet car autant il peut s’avérer facile de percevoir les conditionnements liés à notre vie dans la société, autant il est plus difficile de remettre en question les conditionnements, souvent créés par nous mêmes, dans un domaine que l’on peut considérer comme sacré : le domaine spirituel.


Je me souviens, enfant, m’être souvent dit qu’il y avait quelque chose qui clochait, un sentiment diffus car je n’arrivais pas à mettre le doigt sur ce qui clochait, mais qui a motivé ma quête spirituelle. 


La quête spirituelle peut avoir divers angles d’approche. L’un d’eux est qu’on ne croit plus en la poursuite hyper matérialiste telle que nous la propose la société actuelle, avec sa compétitivité à outrance, son « toujours plus » qui amène l’humain, sur son lit de mort, à reconnaître qu’il a gâché sa vie car il n’emmènera avec lui aucune de ses possessions.


Si on ne croit plus au dieu argent, pas de soucis, il y a une solution de rechange. On nous propose les religions qui nous disent de faire vœu de pauvreté et d’adhérer à une liste de commandements, d’interdits, de croyances. On échange alors un système de croyances matérialistes pour un autre système de croyances, plus spirituelles…


Au sein des systèmes religieux, des approches philosophiques et en dehors de toutes voies, il existe des êtres qui ont réalisé l’essence de leur être. Ils témoignent et inspirent les chercheurs spirituels.

J’ai fait un bout de chemin avec certain d’entre eux et j’ai rencontré certaines problématiques. Bien qu’il soit question de libération, il y a un risque parfois, d’échanger une cage pour une autre.


L’imitation 

J’ai pratiqué le bouddhisme tibétain pendant une dizaine d’années. Il n’était pas rare de voir des personnes de l’auditoire arborer des vêtements couleur bordeau, qui est la couleur des robes des lamas tibétains…

Il y a eu un maître, asiatique il me semble, dont j’ai oublié le nom, qui ne mangeait que des brocolis. Va-t-on s’éveiller si on ne mange que des brocolis ?


Le culte de la personnalité 

C’est toujours de l’imitation : va-t-on s’éveiller si nous cultivons les mêmes qualités que le maître ?

Il y a une tendance à mettre des personnes réalisées sur un piédestal en oubliant qu’elles sont des êtres humains. Lorsqu’on s’en approche trop, on voit les défauts et on s’entend dire que nous projetons nos propres défauts sur le maître. Ce n’est pas faux.

J’ai eu tendance à choisir comme guides des êtres doux et compatissants qui incarnaient ma vision idéalisée de l’éveil. Ces apparences ne durent qu’un temps quand on côtoie suffisamment ces personnes mais voir les défauts aide aussi à se rappeler que l’éveil n’est pas réservé aux saints. 


La relation romancée de maître à disciple : un stade infantile ?

Rêve t-on d’être le ou la disciple préférée d’un maître et de l’accompagner partout pour bénéficier de ses perles de sagesse et s’en remettre à lui pour notre évolution spirituelle car il sait mieux que nous…

C’est encore une tendance à remettre son pouvoir entre les mains de quelqu’un d’autre, d’échanger une cage pour une autre en se soumettant à quelqu’un. Combien de fois j’ai entendu des pratiquants bouddhistes dire « le lama l’a dit » donc ils appliquaient sans se poser de questions : obéissance totale. Ce sont ces mêmes personnes qui diront après plusieurs mois ou plusieurs années qu’ils ont fait ce que le lama leur a dit et ils ont plein de problèmes dans leur vie. 

Je pense notamment à une femme qui avait demandé conseil avant de se présenter à des élections municipales. Elle a foncé sur les conseils d’un lama mais elle a vécu beaucoup d’épreuves en tant que maire et elle a fini par avoir une attaque cérébrale qui l’a laissée très diminuée. Je me souviens en avoir parlé avec elle avant son attaque, elle souffrait énormément et disait  « pourtant j’ai fait ce que le lama m’a dit ».

Pareil dans les réunions avec des êtres réalisés issus de l’advaita. Je me rappelle d’une femme qui s’était vue conseiller par la personne réalisée de louer une certaine maison pour en faire un centre de réunion et d’activités de toutes sortes car il y avait une maisonnette séparée de la maison principale. La femme en question a investi pour transformer la maisonnette mais elle y a laissé ses économies et cela n’a jamais fonctionné. Et, un jour, au cours d’une réunion, elle en a parlé, elle s’est tournée vers l’être réalisé et elle s’est exclamée : « tu peux te tromper ! ».

J’avoue que je me suis toujours bien gardée de demander des conseils, je n’étais pas sure que je les appliquerai. La seule fois où j’en ai demandé un quand j’étais au plus bas dans ma nuit de l’âme, il n’y a pas eu de réponse. Mais je me considère comme étant responsable de mes actes donc même si j’applique un conseil je ne rejette pas la faute sur l’autre si cela ne se passe pas bien.

Une autre notion qui accompagne ce caractère romancé c’est la fidélité dont j’ai eu plus de difficultés à sortir. J’ai beaucoup entendu qu’on choisissait un maître pour la vie, voire pour de nombreuses vies. Il peut y avoir un moment où l’on stagne mais on continue avec la même personne parce qu’elle nous a fait évoluer pendant un temps, qu’elle a facilité les premiers aperçus,… Je me suis forcée à continuer à suivre des maîtres pour plein de mauvaises raisons alors que cela n’avait plus de sens pour moi et, avec le recul, je me rends compte à quel point ce qu’ils proposaient ne me convenait pas ou plus.

Cette croyance en une nécessité de fidélité peut aussi entraîner une culpabilité si on se décide à partir qui me rappelle d’autres culpabilités lorsque je refusais d’appliquer certains conseils parce qu’ils ne résonnaient pas en moi.


Le maître extérieur ne peut être qu’une béquille temporaire nous permettant de revenir à notre conscience pure car nous sommes notre propre maître et rien ni personne d’autre n’a droit à ce titre. La quête de l’éveil est une voie de libération où l’univers entier ne sert qu’à nous ramener à notre propre êtreté. Avoir plus confiance en un autre qu’en nous mêmes nous maintient dans une soumission. Arrêtons de remettre notre pouvoir entre les mains de quelqu’un d’autre. Quel bonheur de ne plus dépendre des autres, de retrouver son autonomie, sa souveraineté ! Quel soulagement ! 

Et cela ne veut pas dire qu’il faut fuir les réunions spirituelles, au contraire, mais les aborder avec un état d’esprit plus juste en se rappelant que nous seuls savons ce qui nous convient le mieux.


L’attachement à une voie 

De la même façon, j’ai souvent entendu dire de ne pas mélanger les voies car cela ne faisait pas travailler les mêmes énergies…

On peut éprouver de la fierté à suivre une certaine voie ou un certain maître en excluant toutes les autres, voire en jugeant les autres voies…

Lire des textes ou regarder des vidéos ou assister à des réunions qui ne me touchent pas n’ont plus de sens pour moi même s’il s’agit d’un grand maître. Ce n’est peut-être tout simplement pas le moment. 

Ne pas être élitiste si on a seulement envie de chanter ou de faire une activité créative, cela m’est arrivé. J’ai pu constater que cela ouvre la sensibilité, la conscience et ces textes sont revenus naturellement sur mon chemin à un moment où j’ai pu les apprécier.

Au final, un jour ou l’autre, on finit par suivre notre propre voie de retour à la maison à notre propre rythme sans contrainte, sans culpabilité.


Les questions qui restent sans réponse

D’où venons nous ? Que sommes-nous ? Où allons nous ?

D’où viennent les pensées ?

Est-ce qu’une personne réalisée est tout le temps dans le vécu de la conscience pure ?

Est-ce que ce vécu de conscience pure est une fin en soi ? Y a-t-il des stades de réalisations après la première réalisation ? Et si oui, ces stades de réalisation sont-ils accessibles tant qu’on est incarné ?

Des questions qui restent sans réponse pour que nous ne perdions pas confiance ou pour nous maintenir dans une certaine soumission ou parce qu’on ne peut pas comprendre,… ? On s’entend dire que la seule chose importante c’est l’éveil et que les questions ne servent qu’à nourrir le mental.

Il y a un certain mystère entretenu sur l’après réalisation et sur la réalité relative, la création, que j’ai toujours vu et subi et que j’ai dénoncé récemment, notamment avec mon besoin de vérité.


Je me suis enfin autorisée à suivre mon enthousiasme et c’est peut-être une coïncidence mais ma vie a complètement changé, je me sens plus libre, et je me suis vraiment remise en route après avoir stagné pendant presque 11 ans. Je trouve ce dont j’ai besoin au moment où j’en ai besoin, cela ne dure qu’un temps et je trouve autre chose. Ce n’est pas linéaire, il faut régulièrement que je me rappelle de ne rien attendre de l’extérieur, surtout pas une validation, et de tourner le regard vers l’intérieur. Le but est toujours la réalisation et tout m’y ramène. Merci à tous ceux qui postent des vidéos ou des textes sur le net pour témoigner de leur vécu : une belle énergie d’entraide :)


La sensation que j’avais enfant que quelque chose clochait demandait à être adressée aussi et je creuse pour essayer de comprendre l’envers du décor de la manifestation, y compris de la mienne, à tous les niveaux. Les réponses qui résonnent en moi ne sont pas faciles à digérer. Cela met fin à beaucoup de mensonges et je me sens plus consciente à chaque instant. Donc cela ne fait pas que nourrir le mental, cela améliore la conscience et la motivation à sortir de ce jeu, en tous cas pour moi.


Le célèbre « connais toi toi-même » qui fut gravé sur le fronton du temple d’Apollon où la Pithie officiait à Delphes disait en réalité : « Connais toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les Dieux ». Et si cette phrase était plus littérale qu’on ne le pense et nous faisait toucher au mystère de la Création et de notre création ?

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