dimanche 3 avril 2011

Christian Simard : Le Soi et le coeur

Presque tous les aspirants à la Réalisation pensent qu’elle est affaire de coeur.  Mais il n’en est rien.  Le coeur n’a absolument rien à voir avec la Réalisation.  Parce que c’est une réalisation justement.  Un constat.  Oh! c’est comme ça.  Knower of Reality.  Parce que je sais. Parce que je vois.  Pas parce que j’éprouve. Pas parce que je ressens. 

Quand l’Éveil à la Réalité se produit, je t’ai dit que le constat est : Oh, I alone is.  Je seulement est.  Le monde existe et s’active en Moi.  Quand je te dit que c’est bouleversant, je ne te dit pas que le coeur est bouleversé.  En fait, il réagit à peine.  Moins qu’à une surprise d’anniversaire.  Il n’y a pas d’émotion au sens qui nous est familier.  Événementielle.  Parce qu’il n’y a pas d’événement.  Mais l’intellect lui est totalement pulvérisé. La compréhension de je et du monde bascule.  Pas ma personne, pas le monde. Il ne se passe rien là.  Il n’y a aucun événement nouveau.  Il y a une connaissance nouvelle.  Avant je me ‘voyais’ dans le monde, et maintenant je ‘vois’ le monde (incluant ma personne) en Je. L’ajustement à la surprise intellectuelle prend un certain temps.  L’habituation au nouveau savoir vécu, ‘vu’.

Le coeur appartient à la personne.  Il n’a pas accès au Soi.  Tout comme le corps, les sens, le mental et l’intellect rationnel familier.  Ce sont des outils utilisés par la personne pour interagir avec le monde.  Le coeur et les autres parties de la mécanique de la personne sont dans le monde et participent au monde.  Avant, pendant et après la Réalisation.  Il ne se passe rien là.  Ce qui éclos, ce qui s’active, c’est une faculté jusqu’ici dormante, l’intellect supérieur.  Qui lui a accès au Soi. Il est une interface personne-Soi. La Réalisation est une discrimination intellectuelle.  Une connaissance.  Un su.  Je sais qu’en te disant intellectuelle, tu vas reférer à ton habituel intellect rationnel et penser que c’est une déduction, une notion, un concept qu’il se crée, mais je ne peux pas le dire autrement. Discrimination intellectuelle parce qu’aucun organe perceptif individuel n’y participe, mais puissamment vécue. Et cette réalisation de l’intellect supérieur n’influence pas la personne.  En tout cas, disons qu’il ne la transforme pas subitement.  Il la place à sa place, dans le monde, et les deux en Je.  Je réalise que Je véritable est hors monde, hors de la matérialité cosmique.  Je réalise que Je est de nature spirituelle,  intemporel et non-changeant, non-spacial et contenant toute la matérialité cosmique connue (tout ce dont ma personne est consciente de et seulement).  Je est su et ‘expérimenté’ libre de l’univers changeant et forcément mortel qui inclut ma personne, à laquelle je m’identifiait.  Muktananda.  La joie de la libération. C’est la Grande Séparation primordiale. 

Il est facile de décrire cette séparation primordiale, l’état d’Illumination, car c’est une expérience objective, commune et identique pour tous.  Mais parler de la personne, de ses qualités ou de ses actions ou de leurs modifications est extrêment difficile.  Et de plus, ils varient d’une personne qui a réalisé le Soi à une autre. Ce sont des modifications personnelles et subjectives.  Autrement dit Je seulement est, l’univers existe en Je est l’exprérience commune, objective.  Le comportement de la personne éveillée à cette réalité et se constatant en Je, est une expérience subjective, variable d’une personne à l’autre.  On peut parler du Soi et de la relation entre le monde et le Soi,  de la non-action (Je) et de l’action dedans. Mais définir, analyser l’action (karma) qui se passe dans le Soi est impossible, parce qu’insondable.

Les descriptions du Soi et de la Réalisation du Soi que tu peux retrouvesr dans les textes anciens, ou que je te fais, pourquoi les fait-on?  Il n’est pas possible de vraiment les comprendre à moins de vivre cet état.  Elles ne sont pas faites pour amener l’expérience (quoique qu’elles aident un peu), elles sont faites pour confirmer l’expérience à celui qui commence à la vivre.  Elles sont faites pour celui qui vient d’arriver.  Or tu ne trouveras pas dans les textes anciens de descriptions du fonctionnement du coeur avant et après la Réalisation du Soi.  (J’ai beau chercher dans mon expérience, j’arrive toujours à du subjectif.  Du personnel non nécessairement règle). Parce qu’elles ne peuvent pas confirmer l’expérience de la Réalisation.  Elles appartiennent à la personnes et sont totalement subjectives. 

Alors, on dit de rester reposé, de méditer pour ce faire.  D’entrer en contact avec le silence intérieur et de le garder le plus possible.   On dit de garder son coeur le plus en paix possible dans un milieu le plus évolutif possible, de lui faire faire le bien le plus possible et de lui faire pardonner le mal le plus possible (pour ne pas le conserver dans le coeur inutilement).  Et qu’à l’impossible, nul n’est tenu.  De l’écouter surtout car c’est un bon guide.  Et, en attendant sa perfection, de prendre ses fluctuations comme elles viennent.

Mais ceci, on peut dire :

Après la Réalisation, il y a Je immuable et en Je immuable, ma personne et le monde changeants.  Je on dit Soi, et le monde incluant ma personne, on dit non-Soi.  Les deux ne sont pas constatés se touchant.  Séparation primordiale.

Il y a maintenant deux relations en ce qui concerne le coeur, dont la fonction est d’unir..  Le coeur est l’outil de la première relation, celle de l’union de ma personne avec le monde.  On est familier avec celle-là.  Réconcilier la personne avec le monde.  Elle existe avant et elle continue d’exister après la Réalisation.  Elle est changeante.  Elle évolue bien sûr.  Mais pas de façon linéaire.  C’est l’amour individuel.  Préférentiel.

Après la Réalisation, apparait un amour nouveau genre, absolument impossible à comprendre à moins de le vivre.  C’est l’amour universel. 

Lorsqu’’apparait’ le Soi, contenant du connu cosmique, ce connu est expérimenté comme étant très très secondaire par rapport à la réalité du Soi.  Non-signifiant.  Ce n’est pas qu’il devient moins signifiant que la signifiance qu’il a dans la vie quotidienne familière, il n’y a pas perte de signifiance là.  Tout continue comme avant.  L’amour individuel préférentiel continue comme avant.  C’est que la signifiance, la réalité du Je contenant immuable est infiniment plus puissante. 

Dans l’état de conscience du Soi, le connu est constaté en Je.  Le mot en est à prendre littéralement.  Dedans.  C’est ressenti par le coeur.  Pas tel ou tel événement, pas telle ou telle personne, pas tel ou tel environnement dans le connu.  Le connu au complet dans Je est ‘aimé’ en bloc indifférencié, du simple fait qu’il est en Je.   Mother is at home.  Je est comme la mère porteuse de l’univers en perpétuelle gestation.

Ce n’est pas un flot d’amour personnel comme on l’entends.  Émotif.  Comme dans ‘j’aime’.  C’est très différent.  Et nouveau.  Beaucoup plus silencieux, calme, large, doux.  Et beaucoup plus signifiant.  Mais sans émotion personelle ‘j’aime’.  Faut le vivre pour comprendre.

Ce n’est pas une joie événementielle familière.  Ce n’est pas un éclatement émotif événementiel.  C’est une joie très très douce et silentieuse, très très très délicate.  Invisible je dirais aux yeux des autres.  Y a pas de flot ‘j’aime’.  Par exemple, ton enfant t’apportes son bulletin scolaire et tu ressens une grande joie en voyant ses notes.  C’est un événement.  Tu ressens un flot de joie événementielle émotive.  Quelques semaines plus tard, ton enfant joue au salon.  Tu le regardes de loin en silence.  Tu le contemple. Tu sais qu’il va bien à l’école et partout ailleurs.  Tu ressens une joie ‘intellectuelle’.  Basée sur un savoir, non pas sur un événement.  Ton coeur participe bien sûr.  Ce n’est pas uniquement dans ta tête.  Mais ce n’est pas une émotion événementielle, c’est beaucoup beaucoup plus doux et silencieux.  

La joie intellectuelle, quoique beaucoup plus douce et silencieuse, est toujours beaucoup plus profonde et puissante que la joie émotive.  Regardes, il y a partout dans le monde des gens qui acceptent de souffrir émotivement pour conserver leur joie intellectuelle.  Leurs principes, leurs sens du devoir, etc. etc.

Alors il y a coexistance de cette joie primordiale constante de savoir, de voir (c’est vraiment vu et ressenti comme ça) que tout ce qui existe est en Soi intemporel et immuable et la joie événementielle fluctuante de la personne.  La première est beaucoup plus silencieuse et profonde et la seconde pleinement vécue comme avant, mais secondaire en regard de la première.  Il se peut qu’il y ait coexistance joie primordiale-joie etc, mais aussi joie primordiale-tristesse etc.  La joie primordiale est mer béate d’acceptation totale (ce n’est pas flots j’aime) et la joie et son contraire, j’aime et je n’aime pas, flots changeants à la surface, incapables de faire bouger la profondeur. 

En conscience du Soi, cette séparation primordiale Soi-non-Soi constitue un bug.  Ce n’est pas un bug créant la moindre friction, mais néammoins c’est un bug.  Intellectuel.  Comment le monde matériel, solide, tri-dimentionnel, changeant, mortel, peut-il exister en Je immatériel, non-changeant, non-spacial et intemporel?  Ça ne se peut pas. 

Le coeur va commencer à réconcilier, réunir la séparation qui ne se peut pas.  Il va commencer très lentement à s’ouvrir aux, à évaluer les niveaux de plus en plus subtils de la matière, beaux, lumineux, grandioses, pour éventuellement voir Dieu en toutes choses d’abord, puis réaliser ultimement que le non-Soi n’est rien d’autre que du Soi.  L’amour universel portera le coeur à des niveaux d’amour inimaginables au commun des mortels.  L’individu deviendra l’amant de Dieu vu partout (conscience de Dieu), puis Dieu sera finalement constaté (par intellect supérieur – le bug intellectuel est résolu) comme étant rien d’autre que Je (conscience d’unité).

TON EXPÉRIENCE

‘Quand il est ouvert, il y a une grande douceur et, quoi qu'il se passe, je ne suis pas perturbée par les évènements.’  Ce que tu décris est de l’amour universel.  

C’est comme on a discuté précédemment.  Tu ‘entres en contact’ avec Je, mais tu n’es capable de le ‘conserver’ que quand ton mental est apaisé.  Ce n’est pas encore Je pleinement constaté en toutes circonstances d’activation voir d’agitation mentale, mais il est néammoins ‘vaguement’ là.  Seulement il n’est là que quand ton mental est calme. L’amour universel est acceptation et appréciation, pas flots préférentiels de ‘j’aime’.  Mais avant la pleine Réalisation ça ne dure pas.  Soit qu’arrive dans ta scène un événement qui perturbe suffisamment ton mental pour te faire perdre l’expérience du Soi, soit un relâchement de tension intérieure, un conflit intérieur.  Le mental est soudainment perturbé par des pensées etc et le coeur se referme.  Les deux se referment. 

Ce n’est pas à cause de ton coeur que tu n’es pas perturbée par les événements, c’est à cause de Je présent.  C’est parce que Je n’est pas, n’est jamais perturbé par les événements (Free from Action), c’est parce que tu es réfugiée en Je immuable, imperturbable, que ton coeur accepte et apprécie tout.

Lorsque Je est pleinement réalisé en tout temps, aucun événement dans la scène ne peut en masquer ‘l’expérience’.  Le coeur peut alors pleinement faire son travail.  Apprécier le monde tel qu’il est, subjectif en Je contenant immuable du monde.  Ça va conduire lentement à la conscience de Dieu.

Note que quand je dis aucun événement, ça inclut forcément des événements malheureux.  C’est ça qui est à peu près impossible à comprendre pour ceux qui n’ont pas réalisé le Soi ou en voie de le faire.  La personne subit et vit totalement l’impact de l’événement malheureux, totalement, mais l’amour universel primordial plus profond demeure non-affecté.  Je est libre du karma, mais pas la personne et son monde.

Ton enfant casse ton beau et cher vase Ming.  Mais c’est ton enfant.  Mother is at home.

Christian Simard


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