samedi 1 janvier 2011

Les aperçus

Les premiers aperçus se sont produits alors que je me cherchais en "moi". Ils ont été précédés par le sentiment que je ne parvenais pas à localiser ce sens d'exister qui est peut-être notre caractéristique première ; je ne me trouvais pas. Ces aperçus ont mis en évidence le fait d'être, pas d'être quelque chose ou quelqu'un, juste d'être. Être, en amont de toute pensée, en amont du corps. Pendant plusieurs heures, il s'est produit des aller-retours entre être un corps-mental et juste être. Je me souviens que mon mari voulait que je l'accompagne dans un magasin pour acheter plusieurs DVD ; il y avait beaucoup de monde, je me suis assise par terre dans un coin et je me suis laissée vivre ces aller-retours. Il suffisait que je remonte vers l'amont, c'est-à-dire que je me rappelle que j'Etais, sans références, avant même de me souvenir que j'étais Mme Untel, que j'étais une femme, avant de savoir que j'étais un être humain, pour qu'il y ait un décrochage, un aperçu.

Par la suite, les aperçus se sont plus souvent produits au cœur d'émotions fortes. Je comprends mieux les écrits bouddhistes qui disent que les émotions sont comme un combustible et que plus elles sont fortes, plus le feu est intense (plus le lâcher-prise est percutant, en tout cas dans mon vécu). Les aperçus liés à des émotions étaient, les premières fois, vus et vécus : Être, au delà du mental.

Les aperçus se sont produit une à deux fois par mois jusqu'à présent, rien de régulier, rien de plannifiable.

Il y a quelques mois, j'ai eu un vécu un peu particulier qui m'a fait écrire sur la folie ordinaire. J'ai vu clairement que les émotions suscitées par les évènements présents étaient dus à la réactivation de souvenirs similaires et surtout, j'ai vu se décoller littéralement les souvenirs et la situation présente alors que, avant cela, les deux me semblaient étroitement entremêlés. Quand je l'ai raconté à l'être réalisé que je suivais à ce moment-là, il m'a dit qu'il y avait eu un aperçu. Sur le moment, je n'ai pas compris de quoi il parlait, j'ai pensé que je m'étais mal exprimée, qu'il avait du mal comprendre. Mais il a du voir mes doutes car il a insisté, m'a répété plusieurs fois qu'il y avait eu un aperçu. Et là, j'ai commencé à me dire que c'était peut-être moi qui n'avait pas vu quelque chose. Si aperçu il y avait eu, il avait du être bref et j'ai donc regardé le vécu après. Et c'est à ce moment que j'ai réalisé que le vécu était similaire à celui qui se produit après un aperçu suffisamment long pour être "vu".

Depuis, il y a eu d'autres brefs aperçus (non vus), toujours au cœur d'émotions fortes. 

Quels en sont les signes ? Déjà, comme ils se produisent au cœur d'une émotion, le signe le plus flagrant, c'est qu'à un moment la lutte est abandonnée, l'espoir de réussir à surmonter la difficulté s'éteint, et il y a une rupture très nette dans le vécu. Ce n'est pas quelque chose dont je me convainc intellectuellement, cela s'impose. D'un seul coup, il n'y a plus d'émotion (alors qu'elle était très forte) ; je me sens bien, apaisée, et très vibrante (l'aspect vibrant est déjà là avant l'aperçu). Ce vécu va durer environ 2 à 3 semaines, période pendant laquelle, même si le ciel me tombe sur la tête, je ne me sens pas ou peu (très temporairement) affectée. Et la situation + le souvenir réactivé qui avait soulevé l'émotion au cours de laquelle l'aperçu a eu lieu n'ont plus d'impact et là, par contre, c'est durable, comme un nœud qui s'est dénoué. Parfois, l'aperçu est précédé par un ressenti de recul intérieur ou d'embrassement du vide.

Ce qui m'interpelle le plus, c'est que, même si les aperçus sont brefs, il y a une maturité qui prend place, qui grandit  et qui imprègne de plus en plus le vécu. C'est difficile à décrire car ce n'est pas un savoir quantifiable, je dirais même que je me moque de plus en plus de savoir, c'est plutôt comme une compréhension intuitive qui grandit.

Pendant les fêtes de Noël, quelqu'un m'a demandé si je faisais encore des pratiques. Mais pratiquer quoi ? C'est tout le temps là  : un vécu d'arrière-plan dans lequel la mentalisation cesse ou diminue, au moins par intermittence. Un désintérêt vis-à-vis des histoires que se raconte le mental, même si le réveil de noeuds émotionnels me rappelle avec quelle facilité la mentalisation peut redevenir dominante par moments ;-).

3 commentaires:

  1. Christian Simard8 janvier 2011 à 13:36

    Constat est un meilleur terme que Aperçu. C'est une description très sincère, sans prétention. Touchante.
    Ce Constat nécessite une contemplation minimale. Très minimale, qui peut ne pas pouvoir être là quand le mental se retrouve en brève situation de survie. C'est bien de dire dans ce cas 'Constantly being remembered of Self' au lieu de 'Always knowing Self'

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  2. christian Simard9 janvier 2011 à 21:01

    Bonjout Yeunten,

    Tu décris admirablement bien la progression des constats dans ton texte. D’abord, celui réalisé intérieurement, par la méditation ou l’introspection, à savoir que quand l’esprit s’apaise, émerge un état d’éveil pur sous-jacent, en amount de l’activité mentale, et que cette conscience totalement éveillée mais libre de toute activité mentale est constatée comme étant le contenant immuable dans lequel les pensées apparaissent, se déplacent et disparaissent. Comme un ciel immobile et sans nuage dans lequel passe un vol d’oiseaux.

    Ce n’est pas que quand le mental s’apaise totalement il devient la conscience pure, ou Je véritable. Le mental ne devient jamais la conscience pure. Le mental opère dans son champ d’action qui est de penser et de percevoir. Et la conscience pure existe dans son champ d’être. Ils sont éternellement distincts et ne se touchent jamais. Seulement quand la surface de l’eau s’apaise, on peut voir le fond de l’étang.

    Ce constat fait penser aux gens qui le font que le Soi est une réalité intérieure. Existe au fond de ma personne mon Je véritable. Il n’en est rien. C’est un constat partiel.

    Puis lorsque l’activité reprend, quand le mental ne doit plus penser peu, mais penser beaucoup et agir dans le quotidien, ce constat de Je immuable en amont de l’activité mentale se perd, mais pas totalement. Par la répétition, l’individu arrive à conserver un peu de ce constat de conscience d’éveil pur à l’intérieur dans lequel se déroule son activité mentale. Et lentement le constat s’étend hors du mental dans le champ de l’activité. Ce n’est plus seulement les pensées qui sont comme un vol d’oiseaux dans un ciel immobile et sans nuages, mais les événements extérieurs aussi.

    Les détails du vécu sont non-pertinents et varient d’une personnes à l’autre. La qualité du vécu est non-pertinente également. Ce qui importe ce n’est pas combien et quels oiseaux passent dans le ciel, mais le fait que ces oiseaux sont constatés passant dans un ciel immobile.
    (trop long, je coupe en deux)

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  3. christian Simard9 janvier 2011 à 21:03

    Alors l’individu expérimente que ce n’est pas tant son vécu qui change, il ne change pas vraiment, mais le fait que les scènes de sa vie quotidienne sont pleinement expérimentées mais ne laissent pas d’impression sur Je intérieur. Elles se succèdent sans laisser d’impression sur moi. Elles touchent mon corps, mon intellect, mon esprit, mes émotions, mais pas moi. C’est l’émergence de l’innocence, du moment présent vécu et témoigné et au suivant, de Muktananda (Freedon FROM action). Pas IN action, jamais in.

    Sûrement, la personne expérimente que non seulement ses pensées, mais aussi son univers extérieur semble exister et se dérouler dans une plénitude d’être. Mais alors que la personne peut constater que la conscience pure en elle, à la source de la pensée, est clairement Je, elle est encore incapable de constater que la plénitude d’être dans lequel existent et agissent les choses extérieures, incluant la personne elle-même, est également Je. Tout au plus dira-t-elle qu’elle et son monde sont constatés par elle agissant dans une plénitude d’être. Le constat du Je demeure à la source de la pensée, dans la quiétude parfaite ou presque du mental. Le constat supreme que la plénitude d’être dans laquelle les choses et l’activité extérieure semblent exister est Je n’est pas encore faite.

    Illumination veut dire émergence d’une lumière. Mais pas lumière au sens propre, ni figuré telle clarté mentale, mais au sens très figuré. Comprendre. Oh, je viens enfin d’allumer. Ou t’as pas encore compris? Allumes bonhomme (je suis québécois). Et Illumination veut dire éclairage instantané et total. L’Illumination n’est pas un éclairage réostatique.

    Jusqu’ici on est dans le réostatique. On a fait les constats préliminaires et on voit un peu mieux, on est moins affecté par la pénombre. Puis, sans raison apparente, ni raison de linéarité d’expériences, en une fraction de seconde et d’une manière absolument bouleversante, sur la rue, au travail ou au resto, se produit le grand déclic permanent, l’Illumination : Oh shit! I alone is. The whole cosmic thing is happening in Me. Always have been.

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Réfléchir ou ne pas réfléchir

Il n’est pas nécessaire de réfléchir pour faire quoi que ce soit. Même pour faire un exercice de physique, la réflexion n’est pas nécessaire...